Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/294

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avertissements vous m’avez donnés ! Quel nom, sans vous en douter, vous prononciez devant moi ! Charlot ! toute mon enfance, toute ma première jeunesse ! toute l’innocence de mes quinze ans ! Charlot ! la probité de mon père, la bénédiction de ma mère, le travail des champs, la pauvreté sans remords. Malheureuse fille que je suis ! c’est la vanité qui m’a perdue ! Vous qui m’aviez rencontrée si innocente sur le dos de Charlot, vous m’avez fait peur, et je vous ai évité par orgueil. La vanité m’a portée dans tous les abîmes où vous m’avez vue, où vous m’avez poursuivie avec le nom de Charlot ! Vous me donniez de sages conseils, et j’ai pris vos conseils pour autant de moqueries. Pour donner un démenti au souvenir de Charlot, j’ai voulu être riche, honorée, puissante, fêtée ; mais toujours le souvenir de Charlot a empoisonné toutes mes joies, a gâté tous mes triomphes. Vous qui aviez vu Charlot, vous qui l’aviez aimé, votre présence, votre voix, votre regard m’épouvantaient. — Et pourtant que de fois j’ai été prête à me jeter dans vos bras et à vous dire : — Je t’aime, aime-moi ! Oh ! pardon, pardon ! me dit-elle ; au nom de Charlot, pardon ! Pitié, pitié pour moi, la femme souillée, perdue, criminelle, mourante !... Monsieur, oh ! par charité chrétienne, embrassez-moi ! Et elle me tendait les