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Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/308

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son linge : — Ce n’est pas cela, lui dis-je ; il me faut quelque chose de plus fin ; une chemise de femme, par exemple : tu diras que tu l’as perdue, qu’on te l’a volée ; Jenny, tu diras tout ce que tu voudras, je la remplacerai ; mais il me la faut.

La bonne fille ne se le fit pas dire deux fois ; elle me fit traverser tout son linge, et je ne trouvais rien qui fût à la taille d’Henriette : tantôt il y avait trop d’ampleur, tantôt c’était l’excès contraire ; quelquefois le nom de la propriétaire m’arrêtait tout court ; je voulais qu’à défaut d’un peu de terre consacrée, cette malheureuse fille eût au moins un chaste linceul. Jenny me suivait toujours, sans rien comprendre à mon humeur.

À la fin, suspendu aux branches d’un amandier de la prairie, et déjà tout couvert de la fleur purpurine, je découvris le plus joli linceul qui se pût imaginer. C’était une belle toile de batiste, blanche et souple comme le satin, ornée tout en bas et tout en haut d’une légère broderie, et tellement animée par le zéphyr printanier, que vous eussiez dit parfois qu’il y avait un corps de seize ans sous ce fin tissu. — Voilà ce que je cherche, dis-je à Jenny ; voilà ce qu’il me faut ; donne-le-moi, et je suis content.