Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/67

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jeune fille de Vanves. — Par un malheur inespéré, je la retrouvai un matin au détour de la rue Taranne, près de la fontaine, où elle regardait couler l’eau. Sur sa tête vous eussiez vainement cherché l’honnête chapeau d’une paille fanée, sur ses joues le coloris et l’animation des beaux jours, sur ses deux bras le hâle vigoureux de la santé et du soleil. Toutefois, c’était bien la jeune fille de Vanves ; la voici telle que la ville nous l’a faite : — des gants sales, de vieux souliers, un chapeau neuf, une robe étriquée, une collerette à petits plis passés à l’empois ; moitié richesse et moitié misère ! C’était Henriette ! Elle marchait avec une dignité compassée ; bien qu’elle s’arrêtât à tous les magasins de modes et partout où il y avait quelque chose à voir, elle avait cependant l’air d’une femme qui veut aller vite ; mais quoi ! le moment présent était plus fort que sa volonté. Du reste, son air modeste, sa démarche décente, la réserve un peu maniérée dont était empreinte toute sa personne, me firent juger que déjà et sans retour le vice avait passé par là.

Je la suivis. Elle marchait d’un pas tantôt lent, tantôt rapide ; tantôt regardant, tantôt regardée ; jamais étonnée, jamais émue. Elle arriva ainsi tout au bas de la rue Saint-Jacques. La foule assiégeait la porte d’une maison d’assez