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Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/81

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ils seraient bien moins accessibles au crime, bien plus sujets aux remords. Nous avons tout rétréci de nos jours. Un homme s’enterre dans un espace de six pieds de long sur six pieds de large qu’il appelle sa maison ; il amoindrit cet espace, déjà si étroit, par des tableaux, par des livres poudreux, par des statues d’après l’antique ; il s’étouffe sous le luxe et sous le produit des arts, pour trouver à chaque mouvement de tête une distraction nouvelle ; ainsi assiégé, le moyen d’avoir une pensée de vertu ou de terreur ? Parlez-moi d’un vaste salon où le jour entre à peine, tapissé de panneaux d’un chêne noir ! Là tout devient solennel ; là un écho religieux répète le moindre battement du cœur ; là vous sentez tout votre isolement, toute votre faiblesse, la faiblesse d’un être qui ne suffit pas à remplir la demeure qu’il occupe ; là le silence même a son langage et sa leçon. Je comprenais toutes ces misères ; mais, partisan dévoué du terrible, comment refuser cette initiation dernière ? Savoir le grec et ne pas lire l’Iliade ? c’était impossible ! Neuf heures sonnaient, je partis donc.

Mon cheval allait au galop et le chemin me paraissait bien long ; arrivé à la porte, je trouvai que j’étais arrivé trop vite. La maison avait bonne apparence ; je montai.