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Page:Janin - La Bretagne, 1844.djvu/116

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prits, peu disposés à recevoir, les yeux fermés, les inventions des faiseurs de paradoxes, ont-ils accablé sous les sarcasmes du bon sens toutes ces suppositions puériles ; ils ont démontré, en se jouant, qu’Abeilard était, en effet, un autre homme que Pélage, et que Descartes n’avait rien de commun avec le moine de Bangor. Quant à l’accusation plus grave, d’une hérésie pélagienne qui eût été apportée par les réfugiés de l’île dans la péninsule armoricaine, cette accusation a été réfutée d’une façon nette et sérieuse, comme doivent l’être toutes les questions qui tiennent à la conscience des peuples. En effet, comment donc se peut-on expliquer, qu’en récompense de son hospitalité, si pleine et si entière qu’elle accepta même le nom de la nation émigrée, l’Armorique ait reçu, pour tout bienfait, de ces réfugiés chassés par le Saxon… une hérésie ? Mais de cette hérésie que des Bretons insulaires auraient conservée avec tant de soins et tant de peines, où est la trace ? Ni dans les monuments de l’histoire, ni dans la vie des saints de Bretagne, ni dans les actes des conciles, il n’est question de cette hérésie transplantée de si loin et à travers tant de périls. Il est vrai qu’une hypothèse anticatholique a tant de chances d’être acceptée ! À ce propos, M. de Courson a découvert, avec ce rare bonheur qui ne le quitte pas, un passage de la chronique de Wotton, qui nous paraît tout aussi décisif que le poëme d’Ermold le Noir : « Semper inter eos fides remansit integra… etc. « Leur foi est restée pure de tout alliage, malgré l’hérésie de Pélage, qui a causé de si grands ravages dans l’esprit des Saxons… surtout dans le pays de Galles et dans la Cornouailles (dans toute la partie de l’île restée bretonne), l’hérésie fut rejetée avec haine et mépris ! » — C’est aussi une des louanges très-méritées que Bossuet accorde à l’Église des Gaules, que la Providence fut soigneuse de réveiller parmi nous l’ancien esprit et d’y faire revivre les premières grâces. — Écoutez encore Bossuet vous raconter comment l’Église gallicane resta pure et dégagée de toute hérésie. — « Quand le temps fut arrivé que l’empire romain devait tomber en Occident, et qué la Gaule[1] devait devenir France, Dieu ne laissa pas longtemps sous des princes idolâtres une grande partie de la chrétienté, et voulant transmettre au roi des Français la garde de son Église, qu’il avait confiée aux empereurs, il enseigna à la belliqueuse nation des Francs que le dieu de Clotilde était le vrai dieu des armées ! » — Et dans

  1. Sermon sur l’unité de l’Église (9 novembre 1681), tome XV, page 522, éd. de Lebel.