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Page:Janin - La Bretagne, 1844.djvu/27

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que d’habitude ; la danse commençait à peine. On fait place au nouveau venu ; seulement on le trouve un peu laid pour un couriquet. Vous savez ce que disaient les follets en dansant ? trois mots qui sont toute leur joie : dilunn, lundi, dimeurs, mardi ; dimerch’er, mercredi ; lundi, mardi, mercredi, ainsi disait le tailleur. La ronde était triste et monotone, la joie commençait à peine ; elle allait de dilunn à dimeurs. Enfin le petit bossu ajoute aux trois journées des follets : jeudi et vendredi, dialiaou na digwener. À ce moment, la danse devient un tourbillon, c’est la ronde infernale dans toute sa joie ; on reconnaît le petit bossu, on l’embrasse, on l’étouffé ; il était parti avec une bosse, il revient avec deux bosses : digne charge de couriquets ! — Beaux petits contes populaires ! ils ont donné une vie nouvelle aux vieux monuments de la race celtique, ils ont rajeuni ces vénérables pierres que le christianisme avait ébranlées ; ils ont rendu à ces quatre mille années couchées sous ces dalles funèbres, un peu d’intérêt et de passion. Souvenir des races celtiques, et tenant au plus antique honneur de la Bretagne, le monument druidique est l’ornement de ces bruyères roses, de ces ravins, de ces rocs, de ces rivages ; il a conservé (à Locmariaker) quelques-unes des lettres de cette langue, plus vieille de mille années, que la langue d’Homère. Race austère et dévouée, cette race des vieux Bretons, française par le cœur, elle a toutes les vertus de la France, elle a peu de ses défauts. Que de fois la Bretagne a sauvé la France ! Les premiers, les Bretons de Nomenoé ont résisté à l’invasion des hommes du Nord ! Qui donc a chassé les Anglais de la France au quinzième siècle ? Dugesclin le Breton ! Au quinzième siècle ? le Breton Richemond ! Qui a battu les Anglais sur toutes les mers ? Duguay-Trouin, le Breton !

Dans le département du Morbihan, non moins que dans le Finistère[1], les monuments des druides sont nombreux et d’un intérêt puissant. Un vieux Celte sortirait aujourd’hui de son tombeau de pierre, il reconnaîtrait la vieille patrie ; aujourd’hui comme autrefois, la bruyère entoure de sa fleur empourprée les têtes grisâtres des pierres placées sur la tombe des héros ; la fontaine sacrée murmure sa douce complainte sous le feuillage du hêtre ; l’autel du dieu Thor et d’Esus attend le sacrifice ; du haut du dolmen, le druide peut haranguer tout son peuple ; debout au centre de ces grands cercles taillés dans le roc, la prêtresse peut se livrer, le soir à minuit, à

  1. Antiquités de la Bretagne, par M. le baron de Fréminville.