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Page:Janin - La Bretagne, 1844.djvu/34

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neuf vierges qui desservaient votre sanctuaire ! » En même Lemps elle annonce à ces Gaulois que les tribus des Francs qui s’étaient établis en Espagne retournent maintenant dans leur pays ; leur flotte est à la vue des côtes ; ils n’attendent plus qu’un signal pour marcher sur Rome. Puis, quand elle a parlé et remué profondément tous ces courages, la prêtresse demande la victime humaine que réclame Teutatès. Sur un bassin de fer, elle va pour égorger un vieillard ; mais l’aube matinale paraît enfin, et nos Bretons se séparent en chantant ce chant funèbre :

« Teutatès veut du sang ; il a parlé dans le chêne des druides. Le gui sacré a été coupé avec-une faucille d’or, au sixième jour de la lune, au premier jour du siècle. Teutatès veut du sang ; il a parlé dans le chêne des druides ! »

La scène est belle, elle est grande ; à cette hauteur, la poésie, c’est de l’histoire. M. de Chateaubriand a écrit, en effet, l’histoire de ces bruyères et de ces solitudes. Il a retrouvé les titres de noblesse de la Bretagne, et il les lui a rendus. Il me semble que ces quelques passages du poëme nous en apprennent beaucoup plus-sur la religion des druides que bien des gros livres. Voilà ce que c’est que de voir de très-haut et de tout embrasser d’un coup d’œil : c’est le privilége des hommes de génie !

Notez bien que ces poétiques récits dont personne ne songerait à lui demander les témoignages, M. de Chateaubriand les appuie sur les preuves les plus complètes : non-seulement il a vu et parcouru dans tous les sens cette terre de Bretagne, mais encore il a lu tous les livres qui en parlent. Parle-t-il des factions qui ont divisé la Bretagne, et des révoltes des Bretons contre leurs maîtres, il salue en passant le nom du Breton. Caractacus défendant la Bretagne contre Plautius, général des Romains. Caractacus le héros tombe dans le piége romain ; il est conduit devant l’empereur, et, à la vue des palais de Rome, il s’écrie : Les voilà donc, ces avides possesseurs de tant de palais, qui sont assez à plaindre pour désirer une chaumière dans nos bois ! En même temps il rend hommage à la reine Boadicée ; ce digne soldat de la Bretagne dont parle Tacite dans ses Annales. L’instant d’après, M. de Chateaubriand va chercher dans Strabon sa description de l’Angleterre, qui se peut si bien appliquer à la Bretagne « Plus d’ombre que de soleil, moins de neige que de pluie. En même temps il vous explique ce que les anciens entendaient par ces mols contrées armoricaines, c’est-à-dire la Normandie, la Bre-