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Page:Janin - La Bretagne, 1844.djvu/47

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l’empereur Auguste, par une nouvelle division, établit des sections transversales de l’est à l’ouest[1].

Ces sections, ou provinces, furent au nombre de trois : l’Aquitaine, la Belgique, la Lugdunaise. Lugdunum (Lyon), ville de fondation récente, devint le siége des Gaules, à la place de la cité des Carnutes (Chartres), l’antique métropole nationale. Ce fut de la nouvelle capitale que partirent, ouvertes à toutes les forces et à toutes les concussions de l’empire, les grandes voies qui devaient couper la Gaule des Alpes au Rhin, à l’Océan, aux Pyrénées, et à la frontière narbonnienne.

Cependant les Gaulois, malgré tant de bouleversements, ou, pour mieux dire, à cause même de ces changements qui dérangeaient leurs espérances, acceptaient le joug des vainqueurs.

L’esprit national s’agitait encore sous l’empire des enseignements druidiques. Auguste, en politique consommé, comprit qu’il fallait ruiner les mœurs publiques pour arriver à modifier profondément le génie de cette indomptable nation qui, jusque-là, avait placé au premier rang les vertus guerrières. Rien ne fut épargné pour parvenir à ce but d’un maître absolu qui veut assurer le repos de son règne. Le prince résolu de détruire sourdement l’antique croyance dans laquelle, suivant Jules César, les Gaulois puisaient à la fois l’amour de la patrie et le bouillant courage qui les précipitait même dans les résistances impossibles. Sous le prétexte spécieux de mettre un terme à des coutumes barbares, l’empereur frappa d’interdiction certaines pratiques du culte druidique. Ô la rare humanité de ces maîtres du monde ! Ils protestaient contre les sacrifices humains ! Ils ne voulaient pas que le prêtre des druides immolât sur l’autel de son Dieu les coupables que la loi eût frappés à défaut du prêtre ! L’effusion du sang de quelques vils scélérats faisait horreur à l’homme du triumvirat, au bourreau qui avait ordonné de sang-froïd le meurtre des plus illustres citoyens de Rome !

À la fin, l’univers indifférent apprend que son maître vient de mourir, après avoir demandé aux amis rassemblés autour de son lit de mort s’il n’avait pas bien joué le mime de la vie ! Un comédien non moins habile le remplace sur le théâtre du monde, et, pendant neuf années, il s’y fait applaudir avec le même succès.

Les premières années du règne de Tibère ne semblèrent pas présa-

  1. Passim.