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Page:Janin - La Bretagne, 1844.djvu/73

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la famille gauloise : le père est le commencement du maître ; de l’autorité paternelle toute loi est dérivée ; du foyer domestique viennent le droit et le devoir. La division politique n’est pas d’une explication plus difficile : chaque cité se subdivisait en quatre pagi ou cantons, chaque pagus comptait cent bourgs. À la tête de la cité était le chef ; les historiens romains donnent à ce chef le titre de rex, pendant que les Gaulois, dans leur idiome, le désignent sous le nom de Brenin (Brennus). La naissance, condition préalable de l’éligibilité tout comme chez les Germains, désignait aux suffrages publics les rois de la cité. À côté de cette royauté secondaire, il existait une autre royauté que, dans certaines circonstances, le peuple déférait au plus habile capitaine ou au plus vaillant. Cette charge, les traditions bretonnes la désignent sous le nom de royauté suprême du pays. Vercingétorix, Adcantanus, Viridovix, dans les Gaules ; Caswallawn, dans l’île de Bretagne, furent revêtus de cette dignité, à laquelle les Gaulois avaient recours seulement dans les circonstances difficiles de l’invasion, et qui finissait aussitôt que le danger était passé ; à proprement dire, c’est la dictature gauloise. En un mot, les mœurs et les usages des Bretons insulaires, ainsi que le témoignent les historiens anciens et les antiques coutumes, différaient à peine des mœurs et des coutumes de leurs voisins du continent. Seulement, Strabon fait observer que les mœurs de certaines peuplades de l’île étaient plus sauvages que tout le reste, et en ceci l’historien fait sans doute allusion aux tribus des Mactes et des Calédoniens, braves peuplades qui furent les dernières à se soumettre à la civilisation romaine.

Toutefois, cette institution de villes, de villages, d’oppida, de lois certaines et reconnues ; ce n’est pas là l’état général des nations bretonnes. Il faudra bien du temps encore pour que chaque contrée ait sa ville et son bourg ; si la civilisation même compte et redoute ses sauvages, à plus forte raison la barbarie a les siens. Il est donc juste de dire que plus d’une nation, parmi les nations bretonnes, se peut com parer aux Germains de Tacite : ils fuient l’enceinte des villes, ils auraient honte de se cacher derrière un rempart ; cela leur paraît un métier d’esclave de cultiver la terre ; ils vivent noblement de leur chasse, des herbes de leurs jardins et des fruits que leur fournissent les arbres des forêts. « Ce que nos pères nous ont enseigné, disait la reine Boadicée à son armée prête à en venir aux mains avec les légions romaines, ce n’est pas la science de l’agriculture, ce ne sont pas les arts de la paix, mais la façon de faire glorieusement la guerre à