l’ennemi. L’herbe suffit à notre nourriture, l’eau à notre boisson, l’arbre à notre toit. »
Naturellement, nous avons consacré aux druides les premières pages de cette histoire ; c’est la faute des Romains, maîtres de la Gaule durant tant de siècles, si l’histoire n’en sait pas davantage sur la religion de nos pères. Mais tel était le dédain de Rome pour tout ce qui n’était pas Rome, que ses historiens s’occupent fort peu de raconter l’histoire des peuples conquis. Le peuple est dompté, la cité est prise, les lois sont changées, et quant aux dieux de la nation soumise, Rome les emporte avec elle, puis, sous prétexte d’adoption, elle les cache dans un coin obscur de son Capitole. L’histoire romaine est muette à propos du druidisme ; nous avons retrouvé à grand’peine quelque mention des druides dans les vers des poëtes. Resteraient, pour nous guider dans cette étude, les documents nationaux ; mais, chez les Gaulois, la religion est un mystère, c’est une tradition orale, non pas écrite. À cette distance et dans ce nuage, la religion d’un peuple s’entoure de je ne sais quoi d’imposant et de solennel qu’elle n’aurait pas peut-être si elle était vue au grand jour. Dans le dogme druidique, l’âme est immortelle, le corps seul doit mourir ; au-dessus de ce monde, il y a un autre monde dans lequel l’âme est attendue. En vain Diodore de Sicile et Valère Maxime ont raconté que les Gaulois croyaient à la métempsycose, les Gaulois sont plus avancés que cela ; ils croient à un seul Dieu et à l’âme immortelle. Il est vrai que dans les triades historiques du pays de Galles, il est parlé de trois cercles, de trois sphères d’existence. Dans la première se tient, immuable, la Divinité elle-même ; la seconde sphère est habitée par l’homme, à l’heure de l’épreuve, de la lutte, du combat ; enfin, dans le troisième cercle, le cercle de la félicité, l’épreuve est accomplie, et, de ce degré sublime, l’homme s’élève jusqu’au ciel. D’où il suit que, toute métempsycose à part, le druide enseignait à ses disciples que l’homme, jugé indigne d’aller au ciel, était rejeté sur la terre et recommençait l’épreuve sous une autre forme humaine. Or, quel était le crime qui vous éloignait ainsi de la demeure bienheureuse ? — L’ignorance — l’indifférence pour le bien — la passion pour le mal. — Voilà pour la doctrine fondamentale de cette religion austère, sérieuse, imposante.
Vous savez déjà, et M. de Chateaubriand lui-même nous l’a raconté, la hiérarchie des druides : les bardes, les ovates, les druides ; le barde, qui chante, l’ovate, qui prie, le druide, qui est le grand juge