Page:Janin - Les Catacombes, tome 1, 1839.djvu/13

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
XI
À THÉODOSE BURETTE.

de droit, mort en vingt-quatre heures, tout de suite, un dimanche, comme nous revenions du bois de Vincennes, toi et moi, sans songer à l’affreux malheur qui nous attendait au retour ?

Ainsi, cher Théodose, en moins de quinze ans, la fortune, l’exil, l’ambition, la mort, nous ont déjà séparés de nos plus chers camarades ; peu à peu, telle est l’inconstance des choses humaines ! nous avons perdu notre joyeux entourage. Ils sont partis l’un après l’autre, ces regards de feu, ces nobles cœurs, ces heureux enthousiastes, ces savants de vingt-cinq ans, ces jeunes fous qui avaient mis tout en gage, et même leur manteau couleur de muraille. Rufz est rentré à la Martinique, où les plus pauvres esclaves savent déjà le nom du bon docteur. Cet aimable jeune homme si naïf et si vrai, Schœlcher, pauvre enfant, Schœlcher, si beau et si brave, a été tué, à vingt pas, d’un coup de feu. L’abbé Daubrée, le digne fils de sa mère, si éloquent, si jeune et si honnête, a succombé à une fièvre lente, en lisant les pages de M. de Lamennais, son maître ; il est mort heureusement pour lui, avant que M. de Lamennais ne se fût révolté. Les uns et les autres ils sont partis bien loin : celui-ci s’est enfermé sous son toit domestique, celui-là dans son ambition, cet autre, le malheureux ! dans ses haines politiques, qui ne feront jamais de mal qu’à lui-même. — Seuls nous restons, toi et moi, de toutes ces