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INTRODUCTION

le monde où j’allais entrer un regard épouvanté. Qu’allais-je devenir moi, pauvre enfant, sur le seuil de cette maison que je quittais pour jamais, dans ce gouffre béant, le monde ? Comme j’étais là, prêtant l’oreille aux bruits lointains et effrayants du monde, je voyais sortir mes condisciples plus heureux ; on venait les chercher, eux, en grand appareil : c’étaient leurs mères, ravies de les retrouver des hommes ; c’étaient leurs pères, heureux de les jeter dans l’ambition à leur suite ; c’étaient des domestiques en livrée, pleins d’espoir dans la jeunesse de leurs jeunes maîtres, cette source de grandes fortunes pour les valets comme pour les courtisans. Mes camarades s’élançaient dans leur bel avenir, et sans me voir ; moi je les voyais confusément, vaguement : il y en avait dans le nombre qui étaient déjà en bel uniforme, entre autres Guilleminot, le fils du général, qui partait pour la guerre d’Espagne, beau et grand jeune homme qui est mort à Constantinople pendant l’ambassade de son