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INTRODUCTION.

premier dans la salle mal éclairée où se tenait, dans un silence morne et stupide, un méchant piano de l’endroit, emprunté à quelque nouvelle mariée de la préfecture ou de la mairie. L’instrument était là, bouche béante, et, faute de mieux, je me mis à le considérer sur toutes ses faces. Horrible et muette contemplation ! Quel fléau en effet qu’un piano de province ! quelle carrière inépuisable de sons faux et criards, de musique médiocre et bourgeoise ! que de méchantes romances sont renfermées dans ces quatre morceaux de bois ! que d’interminables sonates ! Cela fait peur de penser à toute cette harmonie portative et si facile à soulever ! Ma vision dans cette salle déserte fut assez longue. Peu à peu la salle se remplit ; je me portai de l’instrument sur les amateurs, puis bientôt des amateurs sur l’artiste que j’attendais. Elle arriva enfin, je la vis paraître enfin, on l’annonça à haute voix : c’était elle. Était-ce bien elle ? Je vis une pauvre femme, au visage maigre et rouge,