Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/164

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XI. — Les institutions de crédit foncier, sous la forme de caisses provinciales, Landschaften, de sociétés mutuelles, même de banques foncières, Credit Anstalten, Mortgages Companies, dispensent le crédit à la propriété foncière d’une manière bien supérieure non seulement au prêt hypothécaire, tel qu’il est pratiqué entre particuliers, mais même aux constitutions de rente d’autrefois. Par l’interposition de leur garantie et par la représentation des engagements des emprunteurs par des obligations d’une circulation facile, elles abaissent le taux de l’intérêt. En outre, elles rendent praticable la reconstitution du capital, grâce à la libération de l’emprunteur par des annuités, à la condition toutefois que cette période ne soit pas trop longue ; car sans cela on l’inciterait à s’engager dans des dépenses mal conçues. Mais la constitution des institutions de crédit foncier en un établissement jouissant d’un monopole ou de privilèges équivalant au monopole, comme on l’a fait en France, est une erreur grave.

S’appropriant les projets de plusieurs économistes, notamment de Léon Faucher et de Wolowski, un décret-loi du 28 février 1852 facilita la fondation de sociétés de crédit foncier et il s’en forma immédiatement trois à Paris, à Nevers, à Marseille. Malheureusement l’Empire, qui donna un essor tout particulier à la Finance (chap. xii, §8), voulut créer un grand établissement centralisé sur le modèle de la Banque de France et qui fût absolument sous la main du gouvernement. Institué sur ces bases par des lois du 10 décembre 1852 et du 19 juin 1857, le Crédit foncier de France fut investi, jusqu’en 1877, du monopole absolu des opérations de prêt remboursables par annuités et il reçut une dotation de dix millions sur les biens confisqués aux princes d’Orléans. Depuis l’expiration de son monopole, il continue à jouir du privilège de procédures de faveur ainsi que du bénéfice d’une loterie permanente, sous la forme d’émission d’obligations à lot[1].

La seule justification d’une situation aussi exorbitante eût

  1. V. les Privilèges de la Société du Crédit foncier de France, par Eugène Godefroy, 1 vol. in-8. (A Rousseau, 1888).