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Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/246

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Dans la plupart de ces cas, la concurrence est impossible. L’exemple des chemins de fer américains le prouve : la fusion des compagnies ou leur coalition a abouti pratiquement dans ce pays à la constitution de monopoles, sans les contrôles que comporte chez nous la concession par l’autorité publique.

La question se pose donc, en réalité, entre la régie directe par l’État ou la Commune et la concession sous des conditions déterminées, notamment de tarifs maxima[1].

La première solution a depuis longtemps prévalu pour les postes et les télégraphes et l’on est en voie de l’étendre aux téléphones. L’Allemagne et la Belgique exploitent directement leurs chemins de fer, sans que l’expérience se soit encore définitivement prononcée en faveur de ce système ou l’ait condamné.

En ce qui touche la construction des chemins de fer, aucun grand pays jusqu’ici ne les a fait exécuter directement par l’État. Les compagnies en France, en Italie, en Allemagne, en Autriche et même en Russie, les ont construits dans des conditions beaucoup plus économiques que les gouvernements ne l’auraient fait. Les finances publiques y auraient succombé. On l’a bien vu lorsque l’État français a prétendu exécuter directement le fameux plan Freycinet : il a été obligé d’y renoncer en plein cours d’exécution et de recourir aux compagnies pour l’achever. La combinaison adoptée en France et en Italie paraît la plus sage ; car elle réserve dans l’avenir à l’État un magnifique domaine industriel et elle lui donne dans le présent un droit très efficace sur le taux des tarifs et leur fonctionnement[2]. Les compagnies les appliquent chez

  1. La question du droit pour l’État de fixer les prix dans ces cas est simplifiée pratiquement, parce qu’aucune entreprise de services communs, depuis un chemin de fer jusqu’à une distribution d’eau ou de gaz dans une ville, ne peut s’établir sans obtenir le droit d’expropriation ou l’usage de la voie publique. En l’accordant, l’État fait ses conditions ; mais, une fois ces concessions accordées, la propriété des compagnies est aussi sacrée que celle des particuliers et l’État ne peut sans injustice revenir sur les conditions débattues et acceptées librement. V. une remarquable étude du jurisconsulte américain T. M. Cooley, State regulation of corporate profits, dans the North american Review, septembre 1883.
  2. En Angleterre aussi, le Parlement fixe les tarifs maxima de transport par l’acte de concession et il se réserve de les remanier à sa volonté. V. notamment l’acte du10 août 1888. La fixation légale des prix est le corollaire forcé de la constitution d’un monopole par la Puissance publique.