Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/269

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haussiers et baissiers y remplissent, tend à ramener les prix à leur juste niveau et élimine l’élément d’impression, de raréfaction locale et momentanée qui serait susceptible de fausser l’élément naturel de détermination des prix, c’est-à-dire le rapport des offres aux demandes, des besoins aux moyens de les satisfaire.

Mais la spéculation à la baisse ne peut absolument se produire que par des ventes à terme. Avant que les marchés à terme existassent, la rectification d’une hausse exagérée se réalisait seulement par la débâcle des cours : les haussiers éprouvaient des pertes encore plus fortes et les consommateurs avaient souffert plus longtemps[1].

VII. — Les marchés à terme ont dû exister de tout temps sous une forme ou l’autre[2]. Au quatorzième siècle, nous les voyons pratiqués à Florence sur les parts des monti. Dès le dix-septième siècle ils étaient usuels à Amsterdam sur les marchandises les plus diverses, épices, café, grains, huile de baleine, salpêtre et surtout sur les eaux-de-vie, avec toutes les modalités possibles[3]. C’est de là que l’usage s’en est répandu, d’abord en Angleterre, puis en France[4]. Il n’en

  1. Les spéculateurs à la baisse sont vus avec moins de faveur dans le monde des affaires, quand, au lieu d’opérer sur un objet de consommation comme le blé, ils cherchent à déprécier les cours d’une matière première, comme le coton ou le cuivre. Les industriels qui l’emploient aiment mieux travailler à la hausse qu’à la baisse ; car leurs stocks de matières premières augmentent en valeur à chaque inventaire au lieu d’être dépréciés et il en est de même des produits qu’ils ont en magasin. Néanmoins, le public et les industriels eux-mêmes sont intéressés à ce que la spéculation à la hausse rencontre un frein dans les baissiers ; car, sans cela, l’élévation croissante des matières premières et des produits finirait par arrêter la consommation.
  2. Tolet, dans l’lnstructio Sacerdotum, lib. VIII, cap. 50, pose le cas suivant : en janvier, alors que le blé vaut 3 écus la mesure, on peut légitimement l’acheter en août pour 2 écus, parce qu’il y a vraisemblance que ce sera alors le prix courant. Les marchands qui parcourent les campagnes font encore aujourd’hui bien des opérations de ce genre. Elles sont la transition entre les affaires au comptant et les affaires à terme. V. David Cohn, pp. 27-28.
  3. V. Samuel Ricard (Traité général du commerce, Amsterdam, 4e édition, 1721, pp. 47 et suiv.) décrit toutes les combinaisons des marchés à terme : filières, options, primes pour recevoir et pour livrer. Il indique très bien la condition essentielle d’existence du marché à terme : c’est que « la marchandise se puisse taxer à un certain degré de bonté », en d’autres termes qu’elle soit chose fongible.
  4. A Hambourg, les affaires à terme sur marchandises étaient pratiquées dès la fin du xviiie siècle. V. Busch, Darstellung der Handlung (Hamburg, 1799).