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Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/424

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aux contributions extraordinaires et à l’emprunt les ressources nécessaires, de manière à augmenter le moins possible la dette publique. C’est ce que l’Angleterre a fait avec beaucoup d’énergie de 1793 à 1815 (chap. xii, § 3) et en ce siècle-ci, depuis la guerre de Crimée, elle a pourvu à toutes ses charges extraordinaires (guerre d’Abyssinie, expédition d’Afganistan, expédition d’Égypte, achat des 170.000 actions du canal de Suez, remboursement des porteurs de Consolidés qui n’ont pas accepté la conversion de 1889) par des émissions de bons du Trésor remboursables en deux ou trois ans et par une élévation de l’income-tax, l’impôt qui frappe les riches, mais épargne les classes populaires.

Cela dit, il faut bien reconnaître que, dans les calamités déchaînées sur les peuples par les grandes guerres, l’emprunt est une nécessité inéluctable.

C’est aussi par l’emprunt, et par l’emprunt extérieur seulement, que les pays nouveaux peuvent créer les chemins de fer, les canaux nécessaires à la mise en valeur de leurs richesses naturelles. La rapidité avec laquelle les États-Unis, le Canada, l’Australie, l’Inde anglaise se sont développés depuis un demi-siècle, comparée avec la lenteur des progrès réalisés dans les siècles précédents par les colonies américaines, par exemple, démontre encore sur ce point la supériorité du système économique moderne : on réalise en cinquante ans ce qui autrefois exigeait trois siècles. Même les vieux pays, quand ils se trouvent obligés de pourvoir au milieu d’un désastre à une charge énorme, comme la France en 1815 et en 1871, ont un avantage incontestable à émettre des emprunts que les étrangers, leurs ennemis de la veille, souscrivent en partie à cause du profit exceptionnel qu’ils y trouvent. Si la richesse publique se relève, les rentes placées ainsi à l’étranger reviennent assez promptement dans le pays[1]. En attendant, l’intervention

  1. Les titres de la dette publique placés à l’étranger tendent à revenir dans leur pays d’origine, pour peu qu’il recouvre la prospérité, au bout d’un certain nombre d’années. En effet, ils sont généralement cotés un peu plus cher sur le marché national que sur les bourses étrangères, ce qui amène des arbitrages ; puis ils sont le placement imposé par la loi pour les fonds des incapables, des établissements publics et même pour ceux des caisses d’épargne en France et en Angleterre. Dans l’exposé financier que M. Luzzati a fait au Parlement italien le 1er décembre 1891, il soutient qu’une partie notable des rentes italiennes reviennent dans le pays. (V. Bulletin du ministère des Finances, 1891, t. II, p. 663.)