Aller au contenu

Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/48

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

moins grande facilité de gravir cet échelon est le meilleur encouragement à une vie laborieuse et économe, et, sans calomnier la nature humaine, on peut affirmer que le journalier agricole qui a acquis un lopin de terre, que l’ouvrier qui a acheté une obligation, modifie inévitablement ses opinions économiques. Par contre, les paysans, qui sont obligés de vendre leur bien héréditaire et viennent grossir le prolétariat des villes, les boutiquiers qui, après avoir fait faillite, sont réduits à être commis, deviennent trop souvent des socialistes haineux.

Dans nos sociétés occidentales (et dans cette expression nous comprenons les États-Unis, le Canada, l’Australie, qui sont comme des extensions de l’Europe), les familles possédant un petit patrimoine, de la terre ou des valeurs mobilières, selon les pays, sont fort nombreuses. Des écrivains socialistes ont contesté dans ces derniers temps ce fait capital. L’un d’eux prétend que les 850.000 décès, qui ont lieu en France année moyenne, ne donnent ouverture en moyenne qu’à 200.000 successions, ce qui prouverait que les possédants sont, par rapport aux non-possédants, seulement dans la proportion d’un cinquième[1]. D’après lui, cette proportion irait toujours s’abaissant et il n’y avait en France que 6.899.000 possédants à la date de 1887. Tout est faux dans ces allégations. Il y a bien plus de 200.000 successions ouvertes par an. L’Administration de l’enregistrement constate année moyenne environ 481.000 déclarations de succession ; comme pour les immeubles il faut faire des déclarations dans chaque canton de la situation des biens, il y a des doubles emplois : mais les successions entraînant des déclarations multiples sont bien moins nombreuses que celles n’entraînant qu’une déclaration. On ne saurait abaisser ce chiffre au delà de 400.000 successions annuelles ; car un certain nombre de successions, dans lesquelles il n’y a que des titres au porteur, échappent en fait au fisc. Mais où le sophisme est manifeste pour toute personne qui réfléchit,

  1. A. Chirac, l’Agiotage sous la troisième République (Savine. 1888), t. I, p. 43, p. 356 ; t. II, p. 286.