Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/529

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VII. — Mais la question juive dépasse de beaucoup la portée d’une question économique, et, avant de l’aborder, il nous faut revenir en arrière dans l’histoire financière du siècle.

La redoutable multiplication des emprunts publics n’en est pas heureusement le seul trait. La fondation des premières grandes compagnies d’assurances, sous la Restauration, ainsi que des compagnies pour l’achèvement des canaux que l’Empire avait entrepris, fournirent, à cette époque, un nouvel aliment à l’épargne et aussi à la spéculation. Ce fut comme le prélude de l’ère des chemins de fer, qui, quelques années après, allait s’ouvrir.

Les actions de ces compagnies nominatives ou au porteur étaient pour la plupart d’un chiffre élevé, dit M. Frignet, habituellement de 5.000 fr. Elles atteignaient souvent 10.000 fr. et ne descendaient guères au-dessous de 1.000 fr. Leur placement se trouvait ainsi circonscrit à un très petit cercle de capitalistes. Les banquiers fondateurs les réservaient à leurs principaux clients. Quant à la masse des petits capitaux ainsi exclus des grandes compagnies financières, elle s’engageait avec empressement sous la forme de commandite simple. La plupart des fabriques et des établissements industriels, qui se sont élevés à cette époque et qui ont constitué par leur succès le principal élément de notre prospérité nationale, doivent leur existence au concours de ce genre d’associés… Quelques années après, l’association anonyme s’étendait à des entreprises purement industrielles, telles que la navigation à vapeur sur la Seine, le Rhône et la Saône, les chemins de fer du bassin de la Loire, l’extraction des minerais et des houilles, la fabrication du gaz, les omnibus.

En Prusse et dans la plus grande partie de l’Allemagne, le même mouvement amena la fondation de sociétés anonymes dans des conditions identiques[1].

En Angleterre en 1831 le Parlement remettait pratiquement à la Couronne le soin d’autoriser les sociétés anonymes en attendant que l’acte de 1862 rendît leur fondation libre à des conditions déterminées à l’avance par la loi (chap. v, § 4).

Chez nous, le cadre de la commandite devint bientôt trop étroit et l’obstacle que le Code de commerce opposait à la fondation

  1. Frignet, Histoire de l’Association commerciale, pp. 341-344, 348, 353.