Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/611

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portent exclusivement sur l’or, malgré tous les procédés employés par la Banque pour rejeter le plus possible d’argent dans la circulation intérieure. Le besoin d’or a augmenté, le besoin d’argent a définitivement diminué dans les pays à civilisation avancée.

Voilà pourquoi les deux conférences internationales, qui se sont réunies à Paris, sur la demande des États-Unis, en 1878 et 1881, n’ont pu aboutir à restaurer le bimétallisme. Il en sera encore ainsi si l’on en réunit une troisième.

XIII. — Est-ce à dire qu’il n’y ait rien à faire pour utiliser le stock de deux à trois milliards d’argent dont nous sommes encombrés[1] ? On a proposé plusieurs moyens pratiques. L’Angleterre et l’Allemagne auraient l’une et l’autre intérêt à contracter un accord avec l’Union latine, qui, sans leur imposer l’abandon de leurs systèmes monétaires, puisqu’elles mettent leur amour-propre à ne pas adopter le franc, établirait un change fixe entre la livre sterling, la pièce de 20 francs, et la pièce de 20 marks. Ces pièces seraient reçues sur ce pied par les caisses publiques, les banques, les chemins de fer des différents États. Les émissions d’argent en écus de 5 francs et pièces analogues émises dans les autres États devraient être fixées à un certain chiffre par tête d’habitant, comme le fait actuellement l’Union latine pour la monnaie divisionnaire, et l’on pourrait conserver le rapport actuel de 1 à 15 1/2, à la condition de ne donner force libératoire à ces pièces que jusqu’à concurrence de 500 francs et moyennant l’obligation pour chaque État de reprendre ses pièces d’argent à certaines époques de liquidation. Une fois cette monnaie internationale d’argent créée, les banques d’Angleterre et d’Allemagne pourraient admettre l’argent jusqu’à proportion d’un quart ou d’un cinquième dans la réserve métallique sur laquelle est basée l’émission de leurs billets.

Cela élargirait l’assiette de la circulation métallique de l’Angleterre (chap. iii, § 11). Les colonies du Cap, de l’Australie, du Canada pourraient accéder à cet accord avec avantage, et le change indien deviendrait plus stable, ce qui est l’essentiel[2].

Quant aux États que le niveau bas des prix intérieurs oblige à conserver l’argent comme la Russie, l’Espagne, le Mexique, l’Amérique du

  1. M. Ottomar Haupt évalue à 3 milliards 400 millions le stock d’argent de la France, y compris la monnaie divisionnaire. M. de Foville ne l’évalue qu’à deux milliards et demi. (V. l’Economiste français du 14 novembre 1891.) Le seul chiffre certain est l’encaisse d’argent de la Banque : 1.270 millions fin mars 1892.
  2. « Pendant une certaine période ; le commerce entre l’Inde et l’Angleterre s’est réduit à un pur jeu de hasard, disait le ministre des finances de l’Inde, sir David Barbour, le 20 mars 1891. Les fluctuations du change absorbaient l’attention publique et contrebalançaient à elles seules les bénéfices habituels du commerce. On va jusqu’à dire que les commerçants auraient eu plus d’avantage à cesser toutes les opérations commerciales pour spéculer uniquement sur le change. »