Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/86

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ceux qui périssent dans les entreprises, et ceux-là sont nombreux.

Par exemple en France, dans l’industrie sidérurgique, beaucoup de grands établissements ont dû réduire successivement leur capital, ce qui signifie que le capital s’est détruit en partie en se transformant en salaires[1].

En Belgique, de 1876 à 1884, l’ensemble des charbonnages a donné les résultats suivants : la moitié des exploitations a été en déficit de 73.471.000 francs et l’autre moitié en bénéfice de 92.875.000 francs, de sorte que, en faisant le départ des profits et des pertes, les charbonnages belges ont produit pendant ces huit années seulement 19 millions de francs. Dans l’année 1884 le produit brut des mines s’est réparti de telle sorte que les ouvriers ont eu à titre de salaires 56,7 pour 100 et le capital à titre de dividende seulement 1,2 pour 100. Le reste a été absorbé par les frais généraux, impôts, employés divers, achats et renouvellement d’outillage, travaux d’avenir, c’est-à-dire par l’ensemble des prélèvements nécessaires pour maintenir le capital et l’empêcher de disparaître. Si l’on avait réparti entre tous les ouvriers la part du capital, celui-ci renonçant à toute rémunération, on n’aurait augmenté que de 20 francs le salaire annuel de l’ouvrier, soit 7 centimes de plus par jour de travail[2].

  1. La Compagnie de Châtillon et Commentry, après avoir débuté avec un capital de 25 millions, a dû, en deux fois, le réduire à 6.250.000 francs ; puis elle a fait un nouvel appel de fonds, sous forme d’actions, pour le reporter à 12.500.000 francs. La Compagnie de Commentry-Fourchambault a dû aussi, en 1889, réduire son capital de 25 millions à 12.500.000 francs. Dans les premiers mois de 1890, la Compagnie de Montataire a réduit son capital primitif de 3 millions à 1 million ; et ensuite elle a fait un nouvel appel de fonds, sous forme d’actions, pour 2.865.000 francs, ce qui, proportionnellement, diminue encore les bénéfices du capital primitif. En 1890, la Société des mines de fer de l’Anjou, qui s’était fondée au capital de 16 millions, dut céder tout son actif à une nouvelle société au capital de 12 100.000 francs, qui s’est chargée de son passif, moyennant des parts bénéficiaires délivrées à ses actionnaires, qui auront droit à 20 p. 100 dans les bénéfices après paiement de 5 p. 100 d’intérêt aux actions nouvelles. Nous pourrions citer encore bien des faits semblables.
  2. Voici un exemple caractéristique de la situation de certains charbonnages : en juin 1891, à la suite des pertes éprouvées par les grèves, une assemblée générale des actionnaires de la Société des Charbonnages des artistes, Xhorré et Balloz-Lalore, à Flémalle-Grande a abandonné la concession de ces trois puits. En 1890, la société avait extrait 197.200 tonnes de charbon, représentant un produit brut de 2.754.300 fr. Les frais d’exploitation s’élevaient à 2.592.000 fr., d’où un bénéfice de 162.300 fr. seulement pour les trois puits. Au 1er janvier 1890, le nombre de ses ouvriers s’élevait à 1.427, le chiffre de leur salaire moyen à 967 fr. par an (3 fr. 21 par jour), soit un total de salaires payés de 1.379.909 francs. Pour l’exercice 1889, la Compagnie avait versé 27.398 fr. à la caisse provinciale de prévoyance au profit de ses anciens ouvriers, en outre de sa part dans la caisse particulière de secours instituée chez elle. (Le Bien public de Gand, du 21 juin 1891.)