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DE SABLE MÉMORIAL

des morts. Mon corps est une outre que le sang remplit.

« Mage, tes grimoires sont clos pour tes yeux. Mes yeux sont des nœuds d’arbuste bizarre. Dans mes yeux se mire le sein de la terre. Mes yeux sont des lacs ; mes lourdes paupières sont faites de pierres qui, philosophales, versent des flots d’or.

« Des paillettes d’or couvriront tes dalles. Tout ce qui me touche se transmute en or. Les yeux des hiboux m’ont souvent fixé : éternellement ils resteront d’or… Viens, et me délivre ; le fond de la terre me tient par les pieds. »

Ainsi se lamentent sous l’ombre tremblante des pendus heurtés ; ainsi se lamente le nabot planté. La rafale apporte son chant de cigale… Garde tes trésors : je viens, petit Homme, délivrer tes pieds, par Humanité.

Et voici ma main qui cherche tes mains dont l’effort figé monte au zénith blême… Mais sa main de gloire, en geste moqueur, flambe comme un phare ; la rafale emporte son ricanement… Le fond de la terre ME tient par les pieds.