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LES MINUTES

iii

L’Incube

Vogue dans la coupe aux flots d’huile rosé, sombre dans la coupe aux flots d’huile fauve, frémis dans la coupe aux flots de nuit noire, veilleuse, et deviens la lampe d’un mort ! Les Anges qui veillent éclairés d’étoiles remportent leurs lampes.

Il dort, et son corps, son corps d’émail aux veines bleu de Sèvres, repose très calme dans le grand lit sombre. Vogue dans la coupe aux flots d’huile rose, veilleuse, et répands ta lumière douce, lueur de parfum, sur l’enfant qui dort.

Écoutez ! La Nuit froisse son manteau. Quelque chose vient crier sur la vitre. Rideaux inquiets, ébouriffez vite vos ailes de plume sur la vitre glauque. Veilleuse mourante, sombre dans la coupe aux flots d’huile fauve.

La nuit est tombée comme une pluie grise. L’Incube a rampé comme une limace. Vitre, épands des pleurs, pleurs amers d’absinthe. Et, Fenêtre, lève ta grande Croix sainte, cependant que grimpe et grince et grimace une grosse griffe.