Pile. — Je meurs de faim. Que manger ?
Cotice. — L’ours !
Ubu. — Eh ! pauvres gens, allez-vous le manger tout cru ? Nous n’avons rien pour faire du feu.
Pile. — N’avons-nous pas nos pierres à fusil ?
Ubu. — Tiens, c’est vrai. Et puis il me semble que voilà non loin d’ici un petit bois où il doit y avoir des branches sèches. Vas en chercher, sire Cotice. (Cotice s’éloigne à travers la neige.)
Pile. — Et maintenant, Sire Ubu, allez dépecer l’ours.
Ubu. — Oh non ! Il n’est peut-être pas mort — tandis que toi qui es déjà à moitié mangé et mordu de toutes parts, c’est tout à fait dans ton rôle. — Je vais allumer du feu en attendant qu’il apporte du bois. (Pile commence à dépecer l’ours.)
Ubu. — Oh prends garde ! Il a bougé.
Pile. — Mais, Sire Ubu, il est déjà tout froid.
Ubu. — C’est dommage, il aurait mieux valu le manger chaud. Ceci va procurer une indigestion au Maître des Finances.
Pile. — (À part.) C’est révoltant. (Haut.) Aidez-nous un peu, Monsieuye Ubu, je ne puis faire toute la besogne.