Page:Jarry - Les Minutes de sable mémorial, 1932.djvu/61

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
55
DE SABLE MÉMORIAL

Négligent de ce banal spectacle, à peine regardai-je les haies qui bordaient ma route et leurs fructifères troncs moussus chargés de symétriques chevêches, noires lamées de blanc.

Or, j’avais dans les mains — depuis quel instant ? — un livre — écrit par moi, certes ; quand et comment ? point conscience, — où était prévu et rapporté, en gothique bleu de ciel, tout ce que je devais voir, tout ce que je devais penser dans la suite. Et les lettres étaient des figures.


Sous les voûtes de la cathédrale je me retrouve clamant des incantations bachiques, et les cardinaux augustes me reprochent cette inconvenance. Et pour mieux me confondre, les voici soudain, évêques et cardinaux, diacres et sous-diacres, formant un orchestre. Le pape bat la mesure, et les cuivres grondent et les piliers s’amollissent pour faire place aux manches des contrebasses démesurées. Et l’hymne infernal commence :

Peuple, auditez ma vocale angélie !
Ouvrez vos auditifs canaux !

Les murs s’écartent, les voûtes s’élèvent comme des ballons dont on verrait l’intérieur, et les