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LES MINUTES

tintinnabulant, je montai dans un des omnibus du pays de l’Opium ;

Qui s’évanouit sous moi devant une grande cage, aux barreaux en allée de pins. Et là, un grand aigle à tête blanche bénissait et ramait tour à tour et tendait aux vents qui ne soufflaient pas ses ailes infinies, et creusait dans les ordures en gouttes du fond de sa cage des sillons avec ses pennes de rasoir. Et il virait sans cesse des yeux de noix de coco sculptées, semblables à ceux adoptés par les caméléons. Je ne vis point son perchoir, si enfoui sous les plumes de son ventre qu’il semblait juché sur ses ailes comme sur des béquilles.

Et ma vue descendant de sa cage en pigeonnier, éclaira d’un rayon, dans une niche inférieure, un renne gambadant risible, cramponnant à un perchoir ses quatre sabots fendus. Ses bois en aigrette se relevaient jaunes comme la huppe du cacatoès, et à son perchoir, attaché par le cou, pendait un ivrogne, chargé d’expliquer au public l’usage de l’animal et ses propriétés. À réguliers intervalles, quémandant à boire, il tombait sur le sol et ronflait les yeux ouverts, insoucieux pour ses prunelles, des pieds fourchus et des cornes effilées.