Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/127

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silencieuse, qui n’est pas la moins féconde. Pascal disait en regardant le ciel qui se déploie sur nos têtes : « Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie. » Pour moi, au sortir des périodes électorales, des polémiques de presse et de toute notre agitation verbale, il me console et me rassure. L’univers sait faire son œuvre sans bruit, sans qu’aucune déclamation retentisse dans les hauteurs, sans qu’aucun programme flamboyant s’intercale dans la tranquillité des constellations. Je crois que la société française est entrée enfin dans cette période heureuse où tout se fait sans bruit et sans secousse, parce que tout se fait avec maturité : il y aura des réformes et même de grandes réformes, mais qui se feront presque sans être nommées, et qui ne troubleront pas plus la vie calme de la nation que la chute des fruits mûrs ne trouble les beaux jours d’automne ; l’humanité s’élèvera insensiblement dans la justice fraternelle, comme la terre qui nous porte monte d’une allure silencieuse dans les horizons étoilés. »

— « Ô mon cher ami, que j’ai hâte de vous répondre et que de choses j’ai à vous dire ! »

— « Non, non ; ne me répondez pas ce soir ; regardez et écoutez. Pendant que nous rêvons à l’avenir et que nous disputons, tout ce qui vit, tout ce qui est se livre à la joie de l’heure présente et à l’immédiate douceur