Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/128

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de la nuit sereine. Les paysans vont en groupes, pour dépouiller le maïs, au rendez-vous de la ferme, et ils chantent à pleine voix ; la couleuvre réveillée tressaille un moment et se rendort dans le mystère du fourré. Dans les chaumes, dans les prairies desséchées, de pauvres petites bêtes chantent encore : leur musique n’est pas éclatante et innombrable comme dans les tièdes nuits de printemps ou les chaudes nuits d’été : mais elles chanteront jusqu’au bout, tant qu’elles ne seront pas décidément glacées par l’hiver. Du milieu des champs les feux d’herbe sèche resplendissent, enveloppés et adoucis par la clarté de la lune : on dirait que c’est l’esprit de la terre qui flambe et se mêle au rayonnement mystérieux du ciel. Les chiens désœuvrés aboient au chariot attardé qui, éclairé d’une petite lanterne et attelé d’un petit âne, se traîne dans le chemin. La chouette miaule d’amour dans la châtaigneraie ; les châtaignes mûres tombent avec un bruit plein et roulent le long des combes. Le petit serpent vert coasse près de la fontaine ; le ciel brille et la terre chante. Allez ; laissez faire l’univers ; il a de la joie pour tous ; il est socialiste à sa manière. »