Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/134

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de vous par une de ces profondeurs étranges comme on en voit dans les rêves. Vraiment, aujourd’hui, Faust renoncerait à courir le monde ; il resterait avec ses vieux bouquins et ses cornues, et il ne redemanderait plus la jeunesse dans une société qui ne veut plus être jeune.

Pas de politique, pas d’art, pas de religion. J’entends par là qu’il n’y a plus une conception supérieure de la vie et de la destinée humaine, qui soit d’accord avec la science et acceptée par l’ensemble des hommes ; les femmes vont beaucoup dans les églises quand il y a un prédicateur éloquent ; mais, sauf quelques marguilliers ou quelques curieux, les hommes n’y vont pas. Nous sommes vraiment une société étrange : dans les réunions publiques, il n’y a que des hommes ; et dans les églises, il n’y a que des femmes. Il est entendu que tout ce qui intéresse la vie sociale, le travail, l’éducation publique, la liberté des citoyens, ne regarde que les hommes, et que les rapports de l’être humain avec l’infini mystère des choses ne regardent que les femmes. La politique est un fumoir où les hommes s’exilent entre eux ; et la religion est un salon où les femmes s’ennuient entre elles.

J’ai entendu des prédicateurs distingués : ils disaient que la raison et la foi pouvaient fort bien s’accorder entre elles. On pourrait discuter longtemps là-dessus, mais enfin on ne peut que les approuver de porter devant de grandes foules de pareils sujets qui éveillent