Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/176

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Il semble bien qu’aujourd’hui, en dehors du surnaturel proprement dit et de toute orthodoxie étroite, certaines idées maîtresses du christianisme préoccupent les générations nouvelles. Quand le christianisme déclare que les simples relations d’équité entre les hommes ne suffisent pas, mais qu’il faut encore que les âmes humaines puissent s’unir dans une sorte d’embrassement passionné ; quand il cherche quel est le centre où toutes les consciences individuelles peuvent se pénétrer et se fondre ; quand il conçoit Dieu, non pas comme une abstraction intellectuelle, mais comme la vie infinie s’unissant à l’humanité dans l’exaltation des consciences, et s’exprimant dans la nature comme en un symbole prodigieux et doux ; quand il nous révèle, par les sublimes névroses de ses mystiques, les puissances inconnues qui sommeillent dans la nature humaine et qui la transformeront sans doute un jour ; quand il fait du sacrifice la loi de l’infini lui-même, et qu’il pressent que l’univers, dans une évolution passionnée, pourra remonter vers l’amour qui en est la source, il est assurément une grande et fascinante philosophie. Mais cela, la démocratie libre l’a toujours dit, et si l’Église prétend que le christianisme a été méconnu par les Michelet, par les Renan, par les Hugo, par les Lamennais, elle se trompe étrangement.

Que veut-elle donc de nous, et pourquoi nous accuse-t-elle ? N’est-elle pas libre, par la parole et par la plume,