Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/254

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saveur. Seulement, si le ministre veut imposer à tous les maîtres cette sorte de continence nécessaire, ce n’est pas la politique seule qu’il doit leur interdire. J’espère qu’il leur interdira aussi de la bonne manière, c’est-à-dire en élevant leurs traitements, ces accablantes leçons particulières auxquelles la modicité de leur salaire condamne beaucoup d’entre eux.

Mais M. Sarcey ne s’avise pas qu’il revient tout doucement à la vieille conception cléricale et rétrograde de l’enseignement. Nos bons aïeux avaient la logique impérieuse. Pour être un bon professeur, il fallait n’être que professeur, et retrancher tout le reste. La politique n’était pas l’ennemie, alors : c’était la famille. Vraiment, quand on doit enseigner les rudiments et la logique, peut-on avoir femme et enfants ? Ce sont là distractions profanes, funestes aux études, scandaleuses aux familles, ruineuses pour les Universités. Et qu’adviendrait-il, juste ciel ! de l’union nécessaire des maîtres si leurs femmes, en se brouillant, pouvaient les brouiller ? Aussi bannissait-on des collèges la diversité des humeurs féminines, comme M. Leygues et M. Sarcey en veulent bannir aujourd’hui la diversité des opinions politiques. Si les professeurs avaient été des journalistes, on leur eût permis de prendre femme parce que le métier, moins fatigant, leur eût laissé quelques forces disponibles. Mais ils enseignaient, ils devaient toute leur âme, toute leur sève, aussi, à