Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/264

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

plus dure n’aurait été portée et contre le gouvernement et contre la bourgeoisie. Oui, qu’on y prenne garde : les professeurs de nos collèges et de nos lycées sont personnellement, au moins dans une assez large mesure, désintéressés des luttes sociales. Ni ils n’appartiennent d’habitude à la classe capitaliste, ni ils ne font partie, en tant que professeurs, du prolétariat le plus misérable et le plus accablé. Lorsque donc ils vont vers telle ou telle solution sociale, c’est plutôt par raison ou par sentiment que par intérêt propre et immédiat. Tout au plus peut-on dire que, dans nos lycées, leurs relations et la condition sociale de leurs élèves les inclinent de préférence vers la bourgeoisie. Ah ! je comprends que l’on trouve grave qu’ils se prononcent contre l’ordre social actuel, contre la puissance du capital, contre la domination politique et sociale de la bourgeoisie. Oui, c’est là un symptôme grave, et je comprends que la bourgeoisie, attaquée par le prolétariat, s’émeuve d’être désavouée en même temps par ses propres éducateurs. C’est là, j’en conviens, pour une classe triomphante depuis un siècle, adulée et chamarrée, une situation tragi-comique. Mais qu’y faire et à qui la faute ? Et la situation après tout ne serait pas meilleure si, au lieu de parler librement, les professeurs étaient contraints d’élever les nouvelles générations bourgeoises avec une ironie silencieuse. Surtout, si la bourgeoisie commettait la sottise de proclamer que, laissée