Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/270

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partie de la bourgeoisie était assez lâche d’esprit et de cœur pour déserter l’Université parce que les professeurs seraient restés libres, eh bien ! qu’elle s’en aille. Il y a dans le peuple assez d’enfants dont la merveilleuse intelligence est privée, contre toute raison et contre tout droit, de la haute culture ; il y a dans le peuple ouvrier et paysan des cerveaux d’élite qui végètent dans une sorte de pénombre et qui s’épanouiraient comme des fleurs robustes en pleine clarté. Ceux-là accepteraient la science sans condition, la lumière sans condition, la vie sans condition, et la bourgeoisie, en désertant le libre et vigoureux enseignement de maîtres libres pour les fades formules de la discipline cléricale, n’aurait fait que précipiter sa chute. C’est elle que cela regarde et non point l’Université.

Mais combien aveugles ceux qui diminuent l’Université elle-même en lui fermant toute communication avec le peuple socialiste, avec le prolétariat militant ! La science organisée et pénétrée d’idéal doit remplacer peu à peu dans la vie humaine et dans les profondeurs mêmes du peuple la foi morte ou mourante. Et l’Université peut devenir en ce sens l’Église de la pensée libre, la grande éducatrice humaine disputant le monde par la seule liberté aux ruses du dogmatisme finissant. Mais qui donc ouvrira à la haute science, à la haute pensée l’accès du peuple ? Qui ? le socialisme,