Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/349

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il voudrait liquider, avant la mort du vieil empereur, le péril extérieur par une grande guerre. C’est possible à la rigueur. Et voilà pourquoi nous devons toujours, calmes et armés, guetter l’horizon. Mais cette audace suprême n’est guère probable ; car le prestige même du vieil empereur, qu’elle escompte, pourrait s’évanouir aux premières émotions de la première bataille. Dans l’effort immense de M. de Bismarck pour combler, avec l’Italie, l’Angleterre, la Roumanie, le vide laissé par la Russie, je ne vois qu’une inquiétude défensive prodigieusement agissante.

Mais, au-dessus des résolutions plus ou moins pacifiques des deux peuples, il y a une cause aiguë de conflits toujours possible : c’est la question d’Alsace-Lorraine. Le noble pays de France, comme disaient nos aïeux, a été dépouillé de deux provinces, qui sont restées françaises de cœur, et qui doivent le redevenir de fait, Il est impossible à la démocratie française d’accepter cette mutilation. La République a débuté par un effort héroïque contre l’étranger ; elle n’est pas l’affaiblissement, elle est l’exaltation de l’idée de patrie. La démocratie se perdrait, si elle entrait dans le monde tête basse, si elle achetait d’un peu de terre française le repos et la liberté. Il y a au fond des consciences françaises deux sentiments également sincères : ni guerre, ni renoncement. Gambetta le comprenait bien, lorsqu’il parlait à la nation de la justice immanente. Il