Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/353

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J’ai entendu dire à M. Jules Ferry un mot très juste : « Il ne faut pas faire avec l’Allemagne la politique du poing dans la poche. » Et rien, en effet, ne serait ridicule et dangereux comme de se donner l’air de préparer un mauvais coup auquel on ne songe point. Mais où M. Jules Ferry s’est trompé, et lourdement, c’est lorsque, dans une dépêche célèbre, il acceptait pour le règlement de la question franco-chinoise l’intervention de M. de Bismarck. Cela était aussi contraire à la dignité qu’à la véritable politique de la France. Nous n’avons pas à accepter de pourparlers avec les spoliateurs de la patrie. Le dialogue ne pourra recommencer que de peuple à peuple, et quand les deux nations ne seront plus séparées que par le pont de Kehl.

En réalité, il nous faut revenir à la politique extérieure de la Révolution française, j’entends à sa politique du début, avant les brigandages de Belgique et les campagnes de Bonaparte. C’est par le droit et par l’idée du droit que nous reprendrons en Europe notre place. Avec de la patience et cette clairvoyance de l’avenir, qui, pour un grand peuple, s’appelle l’espérance, nous verrons cette grande chose : l’intégrité de la patrie française dans la démocratie européenne.

Jusque là, nous devons garder les mains absolument libres. Il y a entre la France et la Russie des sympathies réciproques qui peuvent être utiles à l’une et à l’autre : c’est très bien. Mais de ces sympathies à une