Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/377

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avec toute son âme, avec tous ses souvenirs ; et l’ombre de nos défaites se fût évanouie dans l’éclat renouvelé des grandes victoires révolutionnaires gagnées pour le droit et par lui.

Mais quoi ! pouvons-nous tenir au dehors le langage hardi et glorieux de justice sociale et d’espérance humaine, quand, chez nous, nous le traitons comme une dangereuse chimère ? Vous proposiez l’autre jour, mon pauvre Charles Laurent, d’envoyer à Berlin Benoît Malon, pour représenter le socialisme national, Clemenceau, pour affirmer le lien nécessaire des revendications politiques et des revendications sociales, et M. de Mun, pour attester que l’esprit de fraternité chrétienne aboutit aux mêmes solutions que le droit humain. C’est parfait, et je vois bien que nous sommes encore une demi-douzaine de songe-creux. Mais les délégués allemands auraient dit à M. Malon : « Pourquoi nous apportez-vous ici votre socialisme, pourquoi nous apportez-vous le socialisme inspiré de Marx et de Lassalle ? Il est chez vous dénoncé tous les jours, par les républicains eux-mêmes, comme une aberration et un péril. » — Ils auraient dit à M. de Mun : « Tâchez donc d’amener à vous le parti conservateur de France, qui vous résiste et vous redoute, avant de venir prêcher chez nous l’Évangile du socialisme chrétien. » — Et ils auraient dit à M. Clemenceau : « Quoi ! le parti radical lui-même, en France, ajourne ou même abandonne les