Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/392

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d’organiser, pour les revendications communes, le prolétariat universel, on nous accuse de manquer de patriotisme ! Ce qui nous rassure, au moment où quelques opportunistes nous appellent mauvais Français, c’est que, de l’autre côté du Rhin, les journalistes aux gages de l’empire traitent les socialistes de mauvais Allemands. L’autre jour, à la Chambre, quand une dépêche a annoncé la résistance du Reichstag et sa dissolution, j’ai entendu plusieurs députés modérés qui disaient : « À la bonne heure ! le militarisme prussien ne pourra peut-être plus menacer l’Europe ; l’Allemagne a assez de ce régime de fer. » Et je me suis permis de leur dire : « Ce résultat qui vous réjouit, pour l’Europe et pour la France, c’est aux socialistes allemands que vous le devez. Pourquoi donc nous faites-vous un crime, à nous, de ne pas leur jeter l’anathème ? » Étrange contradiction et misérable enfantillage !

C’est nous, vraiment, qui servons les grands intérêts de la patrie. Quelle serait la force de la France, si, pendant que les monarchies se débattent dans ces difficultés intérieures, elle prenait l’initiative hardie des grandes réformes sociales ! Elle serait de nouveau le cœur même, désormais inviolable, de la démocratie européenne, et les sympathies des travailleurs du monde lui feraient une nouvelle et infranchissable ligne de forteresses.