Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/394

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les conditions ou explicites ou implicites ? Si elles ajoutent en apparence à notre sécurité, n’ôtent-elles rien à notre force, en affaiblissant encore le ressort démocratique et républicain de notre politique intérieure ?

À ces questions, le passé ne peut fournir une réponse décisive, car l’histoire ne se recommence jamais exactement. Notre pays a eu pourtant, dans les grandes crises de la Révolution, à résoudre des questions analogues, et peut-être les souvenirs révolutionnaires contiennent-ils pour nous quelques leçons. J’ai cru en entrevoir quelques-unes en parcourant ces jours-ci le livre très substantiel et très net qu’un jeune historien de talent, M. Gros, vient de publier sur le Comité de Salut public. Non que le livre soit tendancieux : mais ce sont les faits eux-mêmes qui parlent.

Or, au point de vue militaire, ce qui a fait la force de la Révolution, ce qui l’a sauvée, c’est que l’armée ne faisait vraiment qu’un avec la nation. Aujourd’hui, on s’imagine qu’on a une armée nationale parce que tous les citoyens sont appelés sous les drapeaux. C’est une illusion. La vérité est que toute la jeunesse de la nation est isolée de la nation. La vérité, c’est que, par l’esprit rétrograde qu’infiltre en elle le haut commandement, cette jeunesse est comme à demi retranchée du pays républicain, et qu’à force de la mettre au service du capital dans tous les conflits sociaux, les gou-