Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/395

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vernements font d’elle une sorte de corps étranger dans la démocratie en travail. L’armée est empruntée à la nation ; elle n’est pas la nation. Au contraire, sous la Révolution, l’armée était la nation elle-même, avec sa passion, avec son esprit, avec son idéal nouveau. De là une incomparable puissance.

Et, à cette première cause de force, s’en était ajoutée une autre : je veux dire l’intransigeance de la Révolution. Si, après avoir créé des intérêts nouveaux, après avoir abattu la féodalité et suscité, aux dépens du domaine ecclésiastique et féodal, de nouveaux propriétaires, la Révolution avait hésité ; si, pour ménager l’opinion des monarchies européennes ou même des républiques prud’hommesques comme étaient alors les États-Unis, elle avait louvoyé ou fléchi dans sa lutte contre l’ancien régime, elle était perdue, car elle aurait eu toujours contre elle l’hostilité systématique du vieux monde, et elle n’aurait pas eu pour elle l’irrésistible élan des intérêts nouveaux, des forces nouvelles.

Donc, si nous voulons, nous aussi, que notre organisation militaire soit vraiment forte, il faut d’abord que l’armée devienne absolument nationale, qu’elle soit mêlée à la vie quotidienne du pays, et qu’en tout Français le citoyen et le soldat ne fassent qu’un. Une armée vraiment républicaine et populaire, qui ne serait ni séquestrée ni soumise aux déprimantes influences de la réaction cléricale et capitaliste, serait, dans l’état présent