Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/452

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moment des fêtes de Cronstadt, et le tsar lui a dit, avec une insistance significative : « Dites bien à vos amis, monsieur, que toute entente de la France et de la Russie ne peut avoir pour base que le statu quo. » Pour nous, qui croyons que le socialisme international libérera les peuples comme les individus et qu’il restituera à tous les groupements nationaux leur intégrité et leur liberté, ces paroles nous importent peu. Mais qu’en pensent les chauvins qui nous accusent ? et n’est-ce pas la répudiation même de leur rêve exalté qu’ils acclameront sur le passage du tsar ?

Non : en échange de tous les services d’argent, de diplomatie et de docilité que la France a rendus au tsar, le tsar n’apporte rien à la France. Il n’apporte quelque chose qu’aux classes réactionnaires de notre pays : quand on aura brisé dans notre peuple toute fierté, quand on aura persuadé à ce peuple de France, qui trouva jadis dans sa ferveur révolutionnaire une si prodigieuse force nationale, qu’il ne peut plus défendre son indépendance et son sol que sous la protection du tsar, on lui persuadera tous les jours que pour garder cette protection nécessaire, cette amitié vitale, il faut être bien sage. Quoi ! nous ferions de la politique hardie, de la politique populaire et socialiste ! Mais nous allons gêner et refroidir notre auguste allié ! Et la République elle-même sera une sorte de trahison contre la France. Voilà où l’on nous