Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/460

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sont isolées et qu’elles ne peuvent engager la France elle-même ; et assurément la guerre n’en sortirait pas. Mais rien ne serait funeste et humiliant pour nous comme de nous donner encore l’air d’être des boutefeu, sans être vraiment décidés au combat.

Il sera donc bien entendu, par les déclarations gouvernementales les plus expresses, que l’amitié franco-russe n’a qu’un but essentiel : la paix. Elle ne signifie donc pas que la France et la Russie forment un camp tout armé en face de la triple alliance ; elle se produit au contraire à une heure où tous les groupements agressifs de l’Europe perdent leur netteté et leur acuité, et où la triple alliance même se décompose. L’accord franco-russe signifie que la Russie croit possible de se lier à la France sans rompre décidément avec les autres puissances ; il constate aussi que la France, aidée par la Russie, croit possible de renouer avec les États de la Triplice : c’est la constatation d’une sorte de détente générale, et comme une reprise de la conversation européenne ; c’est donc tout le contraire d’une alliance spéciale offensive ou défensive.

Mais qui ne voit qu’ainsi ramené à ses proportions exactes l’accord franco-russe est singulièrement vide ? Et quelle imprudence chez nos gouvernants de laisser entendre par leur silence même plus que ne contient la réalité ! Quelle folie d’exciter je ne sais quelle secrète