Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/459

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statuer sur les crédits, nous pourrons, sans faire violence à l’instinct du peuple, demander des explications sur l’entente franco-russe et en signaler les périls ou les illusions ; assurément le peuple tout entier ne sera point de notre avis, mais il entendra nos paroles sans colère, et il saura les méditer.

Car on ne pourra pas s’en tenir toujours à des effusions sentimentales. Il faudra bien qu’on dise à la France quelle est la signification de l’accord franco-russe. Il peut, en effet, avoir deux sens bien différents et même opposés. Il peut signifier que l’Europe est coupée en deux, et qu’à la triple alliance de l’Allemagne, de l’Autriche et de l’Italie s’oppose nettement la double alliance de la Russie et de la France. C’est ainsi assurément que l’entendait, il y a quelques années, la partie la plus ardente du peuple, quand l’affaire Schnæbélé et les insolences de M. de Bismarck exaspérèrent à nouveau les blessures de l’année terrible ; c’est ainsi qu’aujourd’hui encore paraissent l’entendre quelques échauffés, que nos diplomates feront bien de rappeler vite à la sagesse. Dans un discours récent, M. Sansbœuf déclarait que la Ligue des Patriotes s’associerait aux fêtes avec quelque réserve, parce que la question d’Alsace-Lorraine n’y était pas suffisamment posée. Que nos gouvernants se hâtent de réprimer, par des explications décisives, ces dangereuses et fausses interprétations. Je sais bien qu’elles