Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/545

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la logique de l’esprit de réaction, le ministère Méline se rapprochait, par l’intermédiaire du tsar, de l’empereur allemand, et rêvait de tourner contre l’Angleterre toutes les haines et toutes les forces de la France. Cette politique ne pouvait nous mener qu’aux plus cruelles déceptions et aux plus graves périls : la Russie, absorbée par ses vastes entreprises en Asie, en Chine, ne détournera pas, pour nous servir, une parcelle de sa force ; et l’Allemagne a trop à gagner à l’antagonisme de la France et de l’Angleterre pour se jeter d’un seul côté et brusquer la solution du conflit. Forcément, nous devions être isolés ; forcément nous devions être dupes.

Mais, je l’avoue, je ne croyais pas que la politique de M. Hanotaux, si imprévoyante et si rétrograde qu’elle fût, fût tombée pourtant à ces profondeurs de sottise que révèle l’affaire de Fashoda. Il y a trois ans, quand le ministère des colonies eut décidé secrètement une expédition sur le Haut Nil, il demanda aux divers groupes d’opposition de ne pas discuter ; il s’agissait, nous dit-on, d’occuper à temps d’importantes positions africaines, et on s’adressait à notre patriotisme. Nous demandâmes si la mission projetée serait pacifique, si elle ne créait aucun péril de conflit : on nous donna des assurances de paix, et nous gardâmes le silence ; nous nous bornâmes, au moment où M. André Lebon sollicitait le vote de la Chambre comme un « vote poli-