Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/71

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avec peine ; il faut y appeler des élèves d’autres départements : c’est que, en Maine-et-Loire, les familles de paysans qui y destinent leurs enfants sont vexées et inquiétées. De plus, le paysan n’a pas l’espoir d’arriver à acquérir la terre, parce que les familles nobles ne veulent pas se dessaisir du sol, c’est-à-dire de la puissance. Quand elles ont épuisé leur fortune en fêtes ou en folies, elles se refont par de beaux mariages dans le monde industriel ; et les ouvriers des raffineries de sucre de Paris, des filatures de coton du Nord travaillent pour maintenir les paysans de l’Ouest dans un vasselage indéfini.

Ce n’est pas sur les paysans seulement que s’exerce la tyrannie des châtelains. Il y a quelques années, quand la République fêta pour la première fois le 14 juillet, tous les marchands d’Angers furent avisés que ceux qui arboreraient un drapeau perdraient leur clientèle noble, c’est-à-dire la meilleure. Un moine, le Père Ludovic, a dressé un catalogue imprimé des maisons spécialement recommandées, c’est-à-dire des maisons ou pieuses ou hypocrites ; les autres sont ruinées d’avance.

C’est que, partout, dans l’Ouest, le despotisme féodal et le despotisme clérical s’appuient l’un l’autre. Le seigneur comprend que la docilité des vassaux doit être entretenue par le curé, et le curé comprend que la docilité des fidèles doit être garantie par le seigneur. Il y a là une société mutuelle d’asservissement