Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/72

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humain. Et ces deux influences oppressives sont si bien entrelacées qu’il est impossible de déraciner l’une si on ne s’applique pas en même temps à déraciner l’autre.

La République a essayé, dans l’Ouest comme partout, d’émanciper les intelligences par l’enseignement laïque ; elle a voulu, là comme ailleurs, donner aux enfants du peuple la notion de la liberté et du devoir ; elle a voulu développer en eux, par le libre exercice de l’intelligence, ce sentiment de la dignité humaine, de la valeur de l’esprit, qui fournira aux hommes, mieux que les dogmes surannés, de hautes lumières sur l’origine de la vie et la destinée humaine. Mais ce libre enseignement est sans cesse comprimé, étouffe et, peu à peu, rayé des âmes par l’oppression cléricale et seigneuriale.

Que faut-il faire, alors ? Faut-il renoncer à l’émancipation des esprits et des consciences ? Non, certes; mais il faut la compléter, l’assurer par l’émancipation simultanée du travail. Vous n’émanciperez pas les paysans, au point de vue intellectuel, si vous ne les émancipez en même temps au point de vue social.

C’est pourquoi je trouve que la politique exposée, l’autre jour, par M. Jules Ferry dans un éloquent discours contient une erreur grave. Il dit que la République doit se borner maintenant, et pour de longues années sans doute, à défendre le terrain conquis. — Si elle n’avance pas, elle reculera ; si elle ne renforce pas