Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/76

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Ainsi, partout et toujours, je constate dans la conscience populaire la générosité première et la droiture de l’instinct, la hauteur des pensées, des sentiments, (les espérances soulevées par les grands événements, mais aussi les affaissements subits et les longues inerties intellectuelles et morales. L’idéal, alors, dort dans le peuple d’un lourd sommeil qui ressemble à la mort : les plus belles créations de la pensée et de la conscience humaine passent bien haut au-dessus de lui, connue des nuées d’or passant sur la terre aride sans la rafraîchir et la féconder.

Quel est donc, à l’heure actuelle, le devoir de la jeunesse pensante ? C’est d’assurer dans le peuple cette continuité de pensée, qui est en même temps une continuité de dignité et de force. Le premier moyen, c’est de mêler pour le peuple l’exercice de la pensée à l’exercice du travail quotidien. Il ne faut pas que le métier, qui prend presque toute la vie, soit une routine ; il faut que le travailleur ait l’intelligence constante de la machine qu’il dirige, de l’œuvre d’ensemble à laquelle il concourt, des procédés qu’il emploie. Il faut que, dans les industries innombrables où le métier touche de très près à l’art, pour les étoffes, pour les mobiliers, pour le bâtiment, le peuple soit habitué, par une éducation professionnelle très haute, à comprendre, à goûter, à créer la beauté artistique mêlée au travail de ses mains. Quelle grande tâche pour tous ces jeunes