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L’ESPRIT DES PAYSANS

« La Dépêche » du dimanche 10 novembre 1889

L’éducation politique et morale des paysans a une grande importance. Pour y réussir, il faut les aimer et les bien connaître.

Le paysan a l’esprit sérieux. Il est obligé de peiner, de calculer, de se défier. Il ne dissipe pas son intelligence en saillies et en bagatelles ; il s’en sert, non comme d’un jouet, mais comme d’un outil. Il n’est pas gouailleur et fantaisiste ; il ignore ce qu’à la ville on appelle la blague. Je parle des vrais paysans, de ceux qui sont attachés au champ, qui labourent et qui sèment. Car il y a dans nos campagnes des irréguliers qui vivent, moitié de travail, moitié de maraude, ou qui exercent des métiers variés, extrayant la pierre, creusant des puits, etc. Ceux-ci, de même qu’ils ont souvent de la fantaisie dans leur vie, en ont dans leur esprit et dans leurs paroles. Ils ont de la verve, ils ont des mots qui partent comme des fusées ; ils sont facétieux. Le vrai paysan, lui, a l’esprit grave. Non qu’à l’occasion il n’aime à rire et à se divertir, mais, alors,