Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/133

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Dieu, le voilerait. Voilà pourquoi il y a union étroite de la lumière et des foyers matériels. Certes, ce ne sont pas ces foyers matériels que créent la lumière ; la lumière n’est pas créée ; elle est l’identité éternelle et transparente de l’être, mais les foyers matériels où elle s’incorpore en règlent la distribution et la marche ; ce sont des foyers individuels et multiples qui sont dans leurs mouvements et dans leur évolution soumis à des lois ; mais enfin ce sont des individualités finies ; et, dès lors, c’est par des raisons finies que nous expliquons suffisamment pourquoi tel rayon de lumière a pris telle route déterminée. Ainsi l’arbitraire disparaît de la lumière précisément parce qu’elle est en relation avec des foyers matériels. Si les rayons émanaient directement de l’infini, ou bien ils n’auraient aucune direction déterminée, et cette indétermination absolue serait le néant, ou bien ils auraient une direction déterminée dans l’espace ; et alors Dieu, le soleil primordial, serait lui aussi dans l’espace, il serait un soleil visible situé à l’infini sur le prolongement des rayons. Voilà pourquoi le soleil invisible et éternel qui est Dieu a délégué à tous les soleils visibles et périssables le soin de distribuer la lumière. Son immensité apparaît d’autant mieux qu’il n’est pas lui-même un des foyers, mais que tous les foyers s’allument en lui. Par là, il diversifie à l’infini la marche et l’entrecroisement des rayons sans que l’infini lui-même soit convaincu de contingence et d’arbitraire. Enfin, l’universalité de la lumière éclate d’autant mieux qu’elle peut s’éveiller dans tous les points de l’espace ; il n’y a pas un point dans l’immensité qui ne puisse devenir centre de la lumière. Nous avons donc le droit de dire que la matière semble nécessaire à l’éther comme l’éther semble nécessaire à la