Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/141

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autre : toutes les formes essentielles du mouvement, toutes celles qui correspondent à une idée, sont également profondes et fondamentales. L’insouciance de chaque forme du mouvement à l’égard des autres éclate partout. Voyez le mouvement elliptique qui emporte notre planète : que celle-ci tourne ou non sur elle-même, cela ne regarde pas le mouvement de translation qui l’emporte autour du soleil ; l’axe de la terre se déplace en cercle autour du pôle : ce déplacement n’influe pas sur le mouvement elliptique. Les êtres innombrables que porte la terre peuvent dormir ou s’agiter : leurs mouvements n’importent pas aux grandes lois du mouvement sidéral. Et réciproquement, les rapports des êtres entre eux sur notre planète, leurs mouvements respectifs ne dépendent pas du mouvement d’ensemble de la planète : la vibration de ma pensée à l’heure présente est réglée suivant une loi logique où le mouvement des astres n’a rien à voir, et ce n’est pas en cherchant à quel point de sa course est parvenue la terre dans l’espace illimité que je saurai à quel point de sa course est parvenu mon esprit dans la vérité sans limite. Le monde est une harmonie, avec des partitions distinctes qui ne relèvent pas les unes des autres, mais qui, sortant toutes d’une même inspiration, s’accordent sans se subordonner. Aussi, quand je vois la lumière ou que j’écoute une mélodie, je touche, en des points distincts, le fond même de l’être. Sans doute, il y a liaison, communication, enchevêtrement même des qualités et des formes : la lumière, comme nous l’avons vu, est réglée, quant à sa distribution par la matière pesante ; mais dans son essence même elle ne relève que d’elle-même. Ainsi bien loin que le mouvement soit l’absolue uniformité quantitative, il a des formes distinctes et intel-