Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/284

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étoiles, est noir, vu à travers la lumière du soleil, apparaît bleu. Ainsi, toutes les grandes manifestations de la couleur bleue sont liées aux mêmes conditions ; est-ce là un fait fortuit ? Le bleu, comme pour bien marquer son rapport à l’obscur, confine au noir et au gris par une multitude de degrés. Le soir, une partie du ciel est déjà noire qu’une autre partie est encore bleue ; et il semble, au regard qui en fait le tour, qu’il passe seulement d’un bleu plus clair à un bleu plus sombre. À mesure qu’on s’élève en ballon vers les hauteurs du ciel, le bleu est plus sombre et plus voisin du noir, la couche de lumière interposée entre l’œil et l’obscurité infinie devenant plus mince. Il est certain, tout phénomène ayant pour symbole un mouvement et tout mouvement ayant sa mesure, que la physique mathématique peut donner de tous ces faits une raison qui n’ait rien à voir avec le clair, l’obscur et leurs rapports ; mais cela prouve seulement qu’elle ne voit qu’un aspect des choses, le plus abstrait, et nous avons le droit de ne pas abandonner l’intuition directe et l’interprétation métaphysique du réel.

On a reproché à Gœthe de confondre le point de vue physique et le point de vue physiologique. Ce reproche, en fait, ne s’applique pas à beaucoup des déductions tirées par nous ; car, lorsque dans le spectre, la teinte varie avec sa luminosité, c’est là un phénomène d’ordre physique où nous ne sommes pour rien. L’objection ne peut guère s’adresser qu’à sa théorie de l’obscur. Au point de vue physiologique, ou mieux encore au point de vue psychologique, l’obscur est positif : la sensation d’obscurité, comme le remarque M. Beaunis, n’est pas purement négative ; elle n’est pas simplement l’absence de toute clarté, de toute sensation de clarté ; et la